Créé en 1985, le studio Ghibli est devenu un monument de l’animation japonaise et est de nos jours connus et reconnu pour de nombreuses œuvres qui ont fait découvrir l’univers de l’animation japonaise au grand public : Le Château dans le Ciel, Mon voisin Totoro, Le Voyage de Chihiro ou bien encore le film d’animation qui est le sujet de cette critique : Princesse Mononoké.

Le film a été réalisé en 1997 par Hayao Miyazaki. On retrouvera certains thèmes chers à l’auteur notamment la place de la Nature et son opposition au progrès, la guerre et la mort ou encore tout le panel des défauts humains, le premier d’entre eux étant ici l’avidité.

            Au cœur du Japon Féodal du XVe siècle, une communauté traditionnelle Emishi vit isolée du reste du pays dans les montagnes du Nord Est. Le jeune et valeureux Ashitaka, le futur chef du village, est un symbole d’espoir pour ce peuple vieillissant. Mais ce peuple pacifique va être malgré lui rattrapé par les événements qui secouent le reste du Japon quand leur village est soudainement attaqué par un tatari-gami, un animal divin blessé par un tir d’arquebuse qui l’a rendu fou de douleur. Ashitaka réussit à sauver son village mais il est touché par la malédiction du dieu. Il quitte l’enclave protectrice de son village et débute alors sa quête pour échapper à une mort certaine causée par la malédiction et au passage essayer de sauver ce monde devenu fou qui sombre peu à peu dans la guerre et la violence.

Il rencontrera alors San, appelée princesse Mononoké par les villageois des forges Tatara, l’endroit où a été fabriqué la balle ayant blessé le dieu qui a attaqué son village. La jeune femme a été élevée par une déesse louve et se bat au côté des dieux animaux contre les villageois pour préserver la forêt et la nature de ces envahisseurs.

Ashitaka et San

            Et on remarque là la première opposition du film, celle entre la nature d’un côté représentée par les dieux animaux et notamment le shishi-gami, le dieu cerf qui est le plus puissant d’entre eux, et le progrès technique et l’industrie de l’autre, représenté par les villageois des forges Tatara.

En effet pour alimenter les forges, la cheffe du village, dame Eboshi, déboise la forêt des dieux animaux et provoque leur colère. La forêt est ici une ressource convoitée, uniquement protégée par des dieux qui ne sont guère plus que des animaux géants dotés de parole mais qui restent mortels. Or ils ne font pas le poids face aux arquebuses de dame Eboshi, d’autant plus qu’ils paraissent être en pleine décadence : ils sont nombreux à régresser au simple état animal et à avoir perdu l’usage de la parole. Ashitaka arrive en pleine période de transition, entre une société traditionnelle qui craint et respecte les dieux et une société plus moderne qui voit désormais les dieux comme un obstacle à son développement industriel et se complait dans la destruction de la nature et l’exploitation des ressources naturelles sans considérer les animaux qui vivent dans la forêt qu’ils détruisent.

A travers l’opposition entre ces deux femmes, dame Eboshi et San, se trouve donc une opposition plus profonde entre deux rêves. La première rêve d’un monde parfait où l’homme atteindrait le confort et la sécurité grâce à l’exploitation de la nature tandis que la seconde rêve d’un monde où les dieux de la forêt pourraient continuer à exister et où l’immense beauté de la nature ne serait plus menacée par la main de l’homme.

            Et la beauté est en effet un élément central du film, malgré les intentions nobles de dame Eboshi, il est difficile pour le spectateur de se ranger de son côté tant la nature est magnifié dans le film, on y découvre une forêt luxuriante, foisonnante de vie et en paix où règne le dieu cerf, une créature gracieuse et pure qui représente le cycle de la vie. Cet univers mystique est placé au-delà de la compréhension de l’Homme, qui peut alors soit le respecter et le craindre, soit tenter de se l’approprier par la destruction. Car si l’Homme peut en effet accaparer les ressources, il ne peut aucunement s’emparer de l’âme de la forêt, le dieu cerf, qui demeure au-delà de son emprise.

            Le choc entre l’ambition démesurée des hommes et la fierté des dieux ne mène qu’à un chemin, celui de la guerre, suivie de près par la mort et la destruction. Et dans cette tragédie qu’est Princesse Mononoké, le spectre de la guerre est omniprésent : d’abord entre les hommes et les dieux mais aussi entre les hommes eux même. La richesse et l’importance militaire des forges de Tatara attisent les convoitises de ses voisins. Si la forêt est un lieu paisible, le monde des hommes est bien plus violent et cruel.

Les efforts d’Ashitaka suffiront-ils pour sauver ce monde de sa destruction ? Lui qui représente un pont entre ces mondes opposés des hommes et des dieux car il sait les écouter et les comprendre pourra-t-il les empêcher de se détruire mutuellement ?

            Princesse Mononoké est un grand classique de l’animation japonaise, à juste titre. Le studio Ghibli, dont la réputation n’est plus à faire, nous montre bien que l’animation est un moyen tout à fait valable de retranscrire une histoire et des émotions. Mais ce qui rend ce film si touchant encore aujourd’hui c’est l’actualité des thèmes abordés et la pertinence de leur traitement. « Princesse Mononoke » nous parle de la haine et de la violence qui s’escalade sans raison, de la tolérance, il nous parle de notre rapport à notre environnement et du danger de l’autodestruction, de la condition de la femme, de notre rapport aux dieux et surtout il replace l’Homme en tant que simple espèce vivante et mortelle, à jamais incapable de saisir la profondeur qui fait la beauté de la nature, une beauté qui s’observe mais ne se comprend pas.

Theo Alfontes

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