Qui n’a jamais eu envie de s’arracher les cheveux au terme d’un dialogue de sourd avec une administration quelconque? Tout le monde a déjà eu affaire à une administration qui ne veut rien entendre à ce qu’on lui dit, qui nous renvoie vers un autre service tout aussi inutile. C’est le thème de départ du dernier film de Ken Loach, I Daniel Blake. En réalité, c’est l’histoire d’un ex-charpentier anglais de Newcastle qui, suite à des problèmes cardiaques, est contraint de faire les démarches pour demander une allocation chômage alors même que ses médecins l’ont déclaré inapte au travail… Le film a reçu la Palme d’Or au dernier festival de Cannes.

 

I, Daniel Blake débute sur une conversation téléphonique sans queue ni tête entre le héros et un employé du pôle emploi local qui ne cesse de menacer Daniel de sanctions si jamais il ne répond pas au questionnaire jusqu’au bout alors même qu’il n’est absolument pas concerné par les questions. Cela donne le ton du film. Rapidement, Daniel fait la connaissance de Katie, mère de deux enfants, elle aussi malmenée par les services sociaux. De façon complètement désintéressée, Dan va offrir son aide à la jeune mère de famille qui n’arrive pas à s’en sortir seule avec ses deux enfants. De nombreuses scènes font sauter le spectateur de son siège tant certaines situations sont absurdes. Le sujet du film peut paraître barbant (l’inefficacité des services sociaux) mais au contraire, Ken Loach nous met face à des situations d’une extrême clarté ce qui rend le film complètement limpide. Les personnages sont très attachants, à commencer par Daniel, qui fait preuve d’une solidarité folle auprès de Katie alors même qu’il est dans une situation très précaire. Le spectateur a forcément une empathie forte pour tous ces personnages.

 

 Il ne faudrait pas réduire le film à une œuvre « utile », dans le sens où il est très engagé politiquement pour une cause qu’on est presque obligé de partager en sortant du film. C’est ce qu’on a entendu de la part de certains médias lorsque le film a reçu la Palme d’Or, comme quoi il s’agissait d’une décision trop « politiquement correct » et que le jury aurait pu faire preuve de plus d’audace en choisissant des films comme Toni Erdman ou Aquarius. Cependant, en plus d’être un film utile politiquement, il est une œuvre incroyablement aboutie. Il n’y a rien de trop (1h40 de film), les acteurs ne forcent jamais l’émotion alors même que leurs personnages sont dans des situations presque tragiques. J’insiste aussi sur le fait que le film n’est pas « déprimant » comme on pourrait le penser. Certes, on pourrait croire que la manière de filmer de Ken Loach (80 ans…) n’est pas forcément très dynamique mais au contraire, il nous laisse le temps d’avoir une totale empathie pour les personnages si bien que lorsque Daniel est obligé de revendre ses meubles et qu’il rentre dans son appartement vide, on se sent vraiment mal pour lui. Encore une fois, le récit peut sembler rectiligne et lent mais c’est justement pour apporter plus de clarté au film.

 

Bref, I, Daniel Blake mérite amplement sa Palme d’Or malgré ce qu’on a pu entendre en mai dernier. Malgré son âge, Ken Loach est un réalisateur novateur. Il est le seul metteur en scène à pouvoir rendre ces personnages « oubliés  » de la société à la fois attachants et en même temps complètement réalistes. Foncez voir I, Daniel Blake !

Timothée Cliquet

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