« Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême. »

C’est avec cette phrase lourde de sens que s’ouvre Dune, première adaptation aboutie et très critiquée du roman culte de Frank Herbert paru en 1965. Exit David Lynch et Dino de Laurentiis, grâce à Legendary, Warner et notre « messie » Denis Villeneuve, l’univers de Dune fait sa réapparition exclusivement au cinéma (en Europe du moins) 37 ans après.

Notre « commencement » est fragile. En effet le lancement de la saga Dune est délicat pour différentes raisons, la pandémie, HBO Max et la capacité du public qui ignore tout de Dune à rentrer dans l’univers décrit par Frank Herbert. Si les studios rêvent d’un univers cinématographique autour de Dune, qui s’étendrait également en séries, nous n’avons pour le moment aucune garantie de voir Dune : deuxième partie.

Dune est un récit initiatique, écologique, philosophique et politique enrobé de science-fiction. Sans surprise Denis Villeneuve et ses scénaristes, Eric Roth et Spaihts, se sont retrouvés confrontés à un besoin de simplification. Le début du livre, bien qu’excellent, peut en repousser plus d’un et paraître indigeste tant les personnages s’accumulent et l’histoire se complexifie au fil des pages. Le résultat est remarquable. Le fanatique des livres (que je suis) regrettera l’absence de chapitres entiers, de personnages moins complexes et moins développés, de sous-intrigues et thèmes supprimés.

Mais il est impossible pour le profane de Dune d’être perdu. L’ouverture du film réussit pleinement à présenter les personnages, les maisons, les planètes, les ordres les plus influents et bien sûr les enjeux ! Tout simplement bluffant ! D’aucuns diront que c’est lourd, voire-même « anti-cinématographique » en pointant du doigt cette fameuse voix-off si compliquée à manier. On peut également regretter que le métrage succombe dès les premières secondes à nous montrer Arrakis. Le film est quelque peu tombé dans la facilité, facilité que je suis prêt à lui pardonner tant la tâche était complexe.

Toutefois cette introduction reste la plus faible du film. C’est bien lorsque la famille Atréides débarque sur la planète des sables que le film s’emballe. Les plans sont majestueux. Personne n’avait filmé le sable avec autant de beauté et de fascination depuis David Lean et son génialissime Lawrence d’Arabie en 1962, sans glisser vers le plagiat, Denis Villeneuve préservant sa froideur qui détonne de ces reliefs ensablés.

Il est sûrement le meilleur cinéaste contemporain pour les plans larges. C’est simple chaque plan est somptueux, et sublimé par la photographie de Greg Fraser. L’intention du cinéaste était que le lecteur se dise qu’une caméra s’était faufilée dans son esprit. La note d’intention est tenue. C’est à ce moment-là que le réalisateur canadien crie à tue-tête son amour pour Dune. Les ornithoptères se sont imprimés sur les rétines de nombreux spectateurs pour quelques temps.  

De manière générale les équipes de Patrice Vermette, le chef décorateur, ont abattu un travail remarquable pour donner vie, rendre crédible, et rester fidèle à cet univers. La tangibilité des décors est affolante. Pour reprendre la célèbre citation d’un certain Francis Ford Coppola sur Apocalypse Now, le film de Denis Villeneuve n’est pas sur Dune, il est Dune !

            Dune est également un casting. Et quel casting ! Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Josh Brolin, Stellan Skarsgård, Zendaya, Sharon Duncan Brewster, Charlotte Rampling, Javier Bardem et Jason Momoa qui offre un des moments les plus chargés en émotions du film. XXL, doré, 5 étoiles. Aucune appellation ne rendra suffisamment justice à cette distribution. Chaque choix est pertinent. Chaque acteur colle parfaitement au personnage qu’il incarne. Si tout le monde loue les performances et l’alchimie entre Rebecca Ferguson et Oscar Isaac qui jouent respectivement Dame Jessica et le Duc Leto Atréides, celle de Timothée Chalamet, est sujette à débât. Ces détracteurs lui reprochent son jeu parfois trop rigide, sans émotion, presqu’inhumain mais il convient de nuancer, Paul Atréides n’est pas un personnage facile à jouer. Paul est un adolescent tourmenté par un pouvoir incontrôlable s’éveillant en lui qui l’isole des autres. Dès son arrivée sur Arrakis, il est déifié et désigné comme le Lisan-al-Gaib, le messie attendu depuis des siècles par les Fremen. Le choix de Timothée Chalamet devient alors une évidence.

Avec d’aussi bons acteurs, Denis Villeneuve fait la part belle au « Show, don’t tell ». Avec de simples regards les arrivent à exprimer des petites phrases, des éléments simples du roman sans dire un seul mot. Un personnage entier parvient à être résumé en l’espace de quelques secondes. Cela ajoute de la profondeur à nos héros et une intensité dramatique à l’histoire.

            Toutes ces qualités ne camouflent pas les défauts du film. Dune n’est pas parfait. La voix-off écartée, l’introduction souffre de scènes purement créées par les scénaristes qui prennent du temps et paraissent parfois forcées et empêchent de développer certains points essentiels qui font la richesse de Dune. La scène de la boîte, un des meilleurs passages du roman, est à ce niveau-là très décevante, mais peut-être qu’elle ne dérangera pas une personne non-initiée à l’univers.

            Denis Villeneuve donne parfois l’impression d’avoir eu peur face à cette immense tâche. Il procure cette terrible sensation de s’être retenue, effrayé, peut-être, de laisser certains spectateurs sur le carreau. Ces quelques reproches créent une frustration. Une frustration car je ne peux m’empêcher de me dire que ça aurait pu être meilleur. Une frustration d’autant plus grande que la suite ne verra peut-être jamais le jour. Pourtant Denis Villeneuve signe là un véritable exploit. On sent sa passion pour ce livre. On sent le respect.

Avec cette performance, Denis Villeneuve rejoint Jean-Jacques Annaud et Peter Jackson qui en leurs temps s’étaient confrontés à l’impossible en adaptant des monuments de la littérature du XXème siècle: Le Nom de la Rose, de Umberto Eco, et Le Seigneur des Anneaux, de John Ronald Reuel Tolkien.

Avec Dune, le blockbuster hollywoodien a une chance de renaître. Donnez-lui cette chance et allez découvrir Dune en salle. « This is only the beginning ».

Merci Denis.

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